Blandine le Callet a récemment été récompensée par le prix du livre numérique pour son roman, La ballade de Lila K. Un beau roman d’ailleurs.
Coorganisé par l’express et sony, ce prix a vu s’affronter dix romans sur le thème des lectures de l’imaginaire. J’ai lu ces dix romans et j’ai pu y faire quelques belles découvertes. La littérature de l’imaginaire, c’est toutefois un peu bancal et fourre-tout, ce qui a un peu nuit à mon sens à la pertinence du prix. A ce compte là, n’importe quel roman pouvait prétendre entrer dans la sélection. Mais bon.
2La séléction était composée de : 2
La ballade de Lila K, c’est une histoire triste : La petite Lila est mise sous la tutelle d’un foyer social pour les mineurs en danger. Le lien avec sa maman a été juridiquement rompu suite à de mauvais traitements. L’enfant a été retrouvée amaigrie et sale, au milieu d’immondices qui tapissait le fond d’un placard dans lequel elle restait enfermée jour et nuit. L’affection que Lila porte à sa mère ne se démentira pourtant pas, et elle n’aura de cesse de chercher à quitter le centre pour partir sur ses traces. Ce qui ne sera pas une mince affaire, puisque aucune information sur sa mère ne lui sera donnée. Elle pourra toutefois compter sur le directeur de l’établissement qui, pris d’affection pour elle, lui montrera la voie.
Voici pour l’intrigue, mais pour être complet, il faut ajouter que Blandine le Callet a eu la bonne idée de situer son histoire dans un monde proche du notre, mais futuriste. La société qu’elle dépeint n’est pas plus réjouissante que la vie personnelle de Lila. C’est en fait une société totalitaire qui a réussit à faire accepter la vidéo surveillance partout, même au sein des foyers. Dans cette société, les chats génétiquement modifiés sont multicolores et les livres sont suspects. On oriente les gens plutôt vers des liseuses électroniques, car l’encre serait cancérigène dit-on... Les autorités peuvent ainsi effectuer quelques coupes dans les textes trop sulfureux.
Alors avoir donné le prix du livre numérique a un roman qui les présente plutôt sous un angle négatif, je trouve que c’est courageux. Outre ce fait, on peut également reconnaitre à La ballade de Lila K des dons d’équilibristes : sur une corde raide, elle évite les écueils du pathos gluant et de la SF qui n’a rien à dire. Elle navigue joliment entre les deux sans jamais basculer vers l’un ou l’autre. résultat : un roman plein d’émotions, d’intelligence et de sensibilité. A lire absolument.
Viens donc voir, fillette !
Je me suis approchée.
- On appelle ça des livres. Tu vas voir, tu n’en reviendras pas.
J’ai levé un sourcil sceptique. Il avait beau dire, ça ne payait pas de mine. Mais lui semblait très excité. Il s’est emparé d’un volume, puis il l’a soulevé à hauteur de mes yeux.
- Regarde bien Lila.
J’ai soudain vu le livre s’ouvrir entre ses mains, éclater en feuillets, minces, souples et mobiles. C’était comme une fleur brutalement éclose, un oiseau qui déploie ses ailes.
- Ça t’en bouche une coin, n’est-ce pas ?
Je n’ai pas répondu. Je regardais ses gros doigts qui feuilletaient les pages couvertes de signes noirs et de taches colorées.
- Et bien, tu as perdu ta langue ?
_- Comment dites-vous que ça s’appelle ?
- Un livre. C’est ce qu’on avait, avant les grammabooks.
- Et... qu’est ce qu’il y a écrit là-dedans ?
- ça dépend du livre.
J’ai ouvert des yeux ronds. Je n’y comprenais rien.
- Laisse moi t’expliquer : tu vois, avec un grammabook, on n’a qu’un écran vierge sur lequel vient s’inscrire le texte de ton choix. Un livre, lui, est composé de pages imprimées. Une fois que le texte est là, on ne peut plus rien changer. Les mots sont incrustés à la surface. Tiens, touche.
J’ai posé ma main sur la feuille. J’ai palpé, puis j’ai gratté les lettres, légèrement, de l’index. M. Kauffmann disait vrai : elles étaient comme prises dans la matière.
- ça ne peut pas s’effacer ?
- Non, c’est inamovible. Indélébile. Là réside tout l’intérêt : avec un livre, tu possède le texte. Tu le possèdes vraiment. Il reste avec toi, sans que personne ne puisse la modifier à ton insu. Par les temps qui courent, ce n’est pas un mince avantage, crois-moi, a-t-il ajouté à voix basse. Ex libris veritas, fillette. La vérité sort des livres. Souviens-toi de ça : Ex libris veritas.
Le lundi 2 mai 2011, par
Modification de l'article le : 31 août 2013.
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