Après une guerre atomique qui a ravagé la surface du globe et dans une France ruinée et détruite, un groupe de survivants se cachent dans l’enceinte protectrice d’un vieux château fort.
Le château de Malevil dont la profondeur des caves à permis aux compagnons du narrateur de survivre, est l’endroit central du roman. C’est aussi une des jolies trouvailles du livre, mêler un univers post apocalyptique digne du roman "la route" de Cormac McCarthy, à un décor médiéval. Cette enceinte fortifiée permet aux habitants non seulement de survivre au feu nucléaire mais aussi, de se protéger des autres groupes de survivants.
Malevil pourtant n’est pas réellement un livre de science fiction, il s’éloigne rapidement du thème une fois le décor planté. Ce qui intéresse Robert Merle c’est un questionnement sur la société et en cela je le définirai plutôt comme une robinsonnade. Comme les héros de l’île mystérieuse de Jules Verne, le groupe de réscapés va devoir reconstruire un embryon social capable d’assurer protection, survie, concorde et renouvellement de génération. La place des femmes, le modèle familial, le rôle de la religion et du politique dans cette nouvelle société deviennent alors des questions essentielles. Comment obtenir un consensus sur de telles questions lorsque le contrat social de la société préexistante n’est plus.
On ne peut pas s’empêcher, en lisant Malevil, d’imaginer ce qu’il faudrait faire d’un monde à rebâtir. Que sauvegarder ? Que changer ? Voici un roman qui fait réfléchir et qui en plus et écris de façon très accrocheuse : Beaucoup de rebondissement et deux narrateurs, le second contestant et nuançant ce qui est raconté par le premier. Ce livre reste pour moi un excellent souvenir.
A l’Ecole Normale des Instituteurs, nous avions un professeur amoureux de la madeleine de Proust. Sous sa houlette, j’ai étudié, admiratif, ce texte fameux. Mais avec le recul, elle me paraît maintenant bien littéraire, cette petite pâtisserie. Oh, je sais bien qu’un goût ou une mélodie vous redonnent, très vif, le souvenir d’un moment. Mais c’est l’affaire de quelques secondes. Une brève illumination, le rideau retombe et le présent, tyrannique, est là. Retrouver tout le passé dans un gâteau amolli par une infusion, comme ce serait délicieux, si c’était vrai.
Je pense à la madeleine de Proust, parce que j’ai découvert, l’autre jour, au fond d’un tiroir, un très, très vieux paquet de tabac gris qui avait dû appartenir à l’oncle. Je l’ai donné à Colin. Fou de joie à l’idée de retrouver, après tant de temps, son poison favori, il en bourre sa pipe et l’allume. Je le regarde faire, et dès les premières bouffées que je respire, l’oncle et le monde d’avant resurgissent. A me couper le souffle. Mais comme j’ai dit, ce fut très bref.
Et Colin a été malade. Il était trop désintoxiqué ou le tabac était trop vieux. J’envie Proust. Pour retrouver son passé, il s’appuyait sur du solide : un présent sûr, un indubitable futur. Mais pour nous, le passé est deux fois passé, le temps perdu l’est doublement, puisque avec lui nous avons perdu l’univers où il s’écoulait. Il y a eu cassure. La marche en avant des siècles s’est interrompue. Nous ne savons plus où nous en sommes et s’il y a encore un avenir.
Il va de soi que nous essayons de nous cacher notre angoisse avec des mots. Pour désigner la cassure, nous avons des périphrases. Nous avons d’abord dit, après Meyssonnier, toujours un peu fayot, « le jour J ». Mais ça vous avait un air encore trop guerrier. Et nous avons adopté un euphémisme plus pudique, dû à la Menou et à sa prudence paysanne : « le jour de l’événement ». Peut-on rêver plus anodin ?
Le lundi 7 juin 2010, par
Modification de l'article le : 6 juin 2010.
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