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Ce cher Dexter

Mieux que la série télévisée ?

De : Jeff Lindsay
Traduit par : Sylvie Lucas
Titre original : Darky Dreaming Dexter
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Saison 1 / Avant d’être une série télévisée, Dexter c’est un roman à l’humour noir décapant dont la série s’est largement inspirée.

Question pour un champion

Qui suis je : Top. Dénué d’émotions, froid et calculateur, je possède un petit bateau avec lequel je pars faire un tour à la nuit tombée. Je travaille à Miami dans un laboratoire scientifique. Je suis expert en hémoglobine et ma sœur est dans la police. Caractérisée par un humour pince sans rire, une série me rend hommage depuis quelques saisons. Je suis également un vrai psychopathe, les soirs de pleine lune, je sort de mon repaire pour trucider des gens que j’ai préalablement sélectionné minutieusement. Je suis ? Je suis ?
Dexter Morgan bien sur.

Si vous n’avez pas trouvé, c’est que vous n’avez pas la télé, du moins c’est que vous n’êtes pas abonné à une chaine qui commence par un C et qui finit par un +. Personne ne vous jettera la pierre ici, ça fait belle lurette que j’ai rendu mon décodeur, désespérée par les programmes proposés. Reste que par hasard ou par un sursaut de clairvoyance, ladite chaine diffuse un excellente série, tiré du roman de Jeff Lindsay.

Alors mieux que la série ?

Si le roman et la série divergent, c’est surtout une question d’intrigue. Des personnages pivots disparaissent dans l’un, survivent et font une belle carrière dans l’autre. La série n’a pas respecté fidèlement le roman de Jeff Lindsay, mais a gardé le ton. Et autant le dire tout de suite, il n’y avait pas grand chose de plus à garder.

Le qualité littéraire de ce livre est asse pauvre en effet, c’est un roman de gare, sans doute vite écrit et pas très raffiné. Mais ce qui sauve le livre c’est le procédé de narration. On adopte le point de vue de Dexter durant tout le livre, et nous savons très exactement ce qu’il pense. Ainsi on a les deux facettes de sa personnalité qui s’exprime. D’un côté le sage Dexter qui dissimule à tous ses penchants pour le meurtre et la bidoche. De l’autre son passager noir, celui qui prend parfois les commandes et dont on entends les pensées, lorsqu’il s’immisce dans un dialogue par exemple.

On retrouve le même procédé dans la série, où le passager noir s’exprime en voix off. Le décallage entre ce qu’il est de bon ton d’exprimer en société, et la façon dont réagi la facette démoniaque de Dexter assure de beaux morceaux d’humour noir tout à fait savoureux. Si vous aimez les choses un peu grinçantes, sautez sur ce livre.

L’avantage du livre sur la série, c’est que Dexter y est moins lisse et consensuel. La serie me semble légérement sur la reserve et ose moins. Dans le livre, Jeff Lindsay ne prend pas de gants. A mon avis le roman est donc supérieur, meme si ce priver de la serie serait une faute de goût.

Et l’intrigue dans tout ça ?

Et bien, si vous avez déjà lu un polar, vous ne devriez pas tomber de votre chaise devant l’ingéniosité de l’histoire, mais ça reste plaisant si on ne chipotte pas trop.

Pour résumer : Dexter est un expert de la police scientifique de Miami. Sa sœur, policière également, travaille pour la brigade des mœurs. Il est donc au première loge pour garder un œil sur les crapules que la justice n’arrive pas à condamner. Adepte de la peine de mort par nécessité plus peut être que par goût, Dexter se charge de faire une pierre de coup. D’abord il étanche sa soif de sang, car en tant que psychopathe il ressent le besoin de tuer régulièrement. Ensuite il met hors circuit des individus dangereux et sanguinaires. Sa règle d’or, ne jamais tuer un innocent.

Quelques lignes...

C’est toujours très insolite et quelque peu désarmant de se trouver sur les lieux d’un meurtre sous le soleil de Miami. Les crimes les plus monstrueux en deviennent aseptisés. Comme mis en scène. On se croirait dans une nouvelle section audacieuse de Disney World. Bienvenue à Horror Land. Venez chevaucher le réfrigérateur. Prière de régurgiter dans les récipients prévus à cet effet.

Ce n’est pas que la vision de corps mutilés m’ait jamais incommodé dans d’autres contextes, oh non, loin de là. Il est vrai que je raffole pas des cadavres négligents qui ne contrôlent pas leurs excrétions : pas beau à voir du tout. Autrement, c’est un peu comme regarder des côtelettes dans une boucherie. Mais les novices et les visiteurs qui se rendent sur la scène d’un crime ont tendance à vomir ; et bizarrement, ils vomissent beaucoup moins ici que dans le nord. Le soleil atténue le choc. Il nettoie les choses, les rend plus propres. Voilà peut être pourquoi j’aime tant Miami. C’est une ville tellement propre.

Et la journée s’annonçait une fois de plus belle et chaude. Tous ceux qui portaient une veste de costume cherchaient à présent un endroit où l’accrocher. Hélas, c’était peine perdue sur ce petit parking miteux qui ne comptait que cinq ou six voitures et le bac à ordures dans un coin, tout près du bar, contre le mur en stuc rose surmonté de fil barbelé. La porte de derrière du Tito’s Cafe Cubano s’ouvrait juste là. Une jeune femme maussade multipliaitles allées et venues, affairée à sservir des cafés et des pasteles aux policiers et à l’équipe du labo. La clique des policiers en costard qui traînent toujours sur les scènes de crime, que ce soit pour se faire remarquer, exercer des pressions ou encore se tenir informés de la tournure des événements, devaient maintenant jongler avec un objet supplémentaire. Leur veste, leur café, leur gâteau.

Les experts, eux ne portent pas de costume. Ils optent plutôt pour des chemisettes en rayonne. J’en portais une moi-même, dont le motif reproduisait des batteurs de tambour vaudous et des palmiers, sur un fond vert pâle. A la fois élégant et pratique.

Je m’avançai vers la chemise en rayonne la plus proche parmi les gens qui étaient attroupés autour du corps. Elle appartenait à Angel Batista-aucun-rapport, comme il se présentait habituellement lui-même : « Salut, moi c’est Angel Batista, aucun rapport avec l’autre.  [1] » Il travaillait dans le service du médecin légiste. À ce moment précis, il était assis sur les talons devant un des sacs-poubelle et en examinait l’intérieur.

J’allais le rejoindre. J’étais impatient de voir l’intérieur du sac. Tout ce qui suscitait une réaction de la part de Déborah valait nécessairement le coup d’œil.

[1Allusion à Fulgencio Batista, dirigent politique de Cuba qui fût renversé par le mouvement révolutionnaire de Fidel Castro en 1959 (NdT).

Le lundi 9 mai 2011, par AJL
Modification de l'article le : 20 juillet 2011.

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