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Hommes entre eux

J’ai pas tout compris...

De : Jean-Paul Dubois
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Pourtant l’histoire est simple : Dans le froid canadien, en pleine tempête de neige qui mène au huit clos, la rencontre entre un époux mourant et l’ex amant de sa femme. La femme est absente, les hommes sont entre eux. On éteint la lumière. Que se passe t’il ?

Habituellement j’aime beaucoup Jean-Paul Dubois, je le disais il y a pas si longtemps dans le petit mot que je consacrais à ses accommodements raisonnables. Cette fois-ci j’ai eu l’impression de l’aimer un peu moins. Son humour pince sans rire qui m’avait tant séduite dans les romans précédents m’a beaucoup manqué durant cette lecture. Les hommes entre eux ne sont pas là pour rigoler.

Habituellement Jean Paul Dubois arrive avec très peu de mots et une grande économie de moyen à faire passer les sentiments et les impressions. Cette fois-ci, je suis passé un peu à côté ; Les motivations des personnages, certains gestes... J’ai pas tout compris.

Habituellement, la partie la plus juteuse des romans de Jean Paul Dubois. Ce n’est pas la fin, c’est le livre dans son entièreté. Cette fois-ci je vous conseille d’aller jusqu’à la dernière page. Juste pour voir si vous comprendrez mieux que moi.

Pour conclure il m’a semblé de prime abord que ce roman allait un peu loin dans l’abstraction, que les personnages manquaient de lisibilité. Cela m’a dérangé parce que j’ai eu l’impression d’avoir mal compris ou d’avoir mal lu. Pourtant c’est un bon livre, original et ambitieux, qui joue plus sur les sentiments qu’il laisse que sur l’histoire qu’il conte. Je n’ai pas tout compris mais tant mieux. L’un des personnages lance cette réplique qui résume bien le livre : « Vous avez vu ce que vous avez vu. Maintenant pensez ce que vous voulez. »

Quelques lignes...

Il attendait que la lumière s’éteigne, que le film commence. Il regardait les gens autour de lui et les enviait de faire partie de ce cercle d’humains rassurés qui jamais ne paraissait douter que demain fût un autre jour. Paul Hasselbank n’appartenait plus à ce club enviable. Il était un homme de cinquante-six ans, paisible spectateur du huitième rang, affligé d’un mal têtu qui peu à peu l’éloignait de la rive commune. Parfois son désarroi était tel qu’il éprouvait la sensation physique d’être emporté par un courant profond, et, comme tous les mauvais nageurs, il avait peur. Mais en ce moment, il n’était pas effrayé. Il était au cinéma. Les lumières de la salle baissaient doucement et, sous la protection du public qui l’entourait, il se laissa avaler par la pénombre qui précédait le film’ Contrairement à d’habitude, l’écran ne s’animait pas et la salle restait obscure. De ces ténèbres provisoires monta une voix d’homme, grave, posée, presque familière. Hasselbank aimait ressentir les basses fréquences résonner dans la cage cerclée de sa poitrine. L’acteur invisible disait des choses sombres, inquiétantes qui eurent pour effet de stimuler l’attention de Hasselbank. Car ces choses dont il était question, il les portait en lui depuis toujours. Elles étaient au centre de sa propre vie, préexistantes à sa maladie. Et même à celle de son père. Ces choses-là étaient simplement nées avec lui. Voilà pourquoi il avait le sentiment que cette voix aurait pu être la sienne.

« Dans ce noir. je vous regarde, les uns et les autres, je vous observe. Et Malgré l’obscurité, je vous vois tels que nous sommes, tous : nus, menteurs, mesquins,vivants et si inquiets. Réfléchissez à tout cela et demandez-vous pourquoi nous vivons ainsi. Dans la peur de ce qui nous attend. Pourquoi ne connaissons-nous pas la paix ? Pourquoi sommes-nous toujours plus petits que nous-mêmes ? Pourquoi le Mal est-il à ce point ancré en nous ? »
Il n’avait jamais vu de film débuter ainsi, sans image, et par un long trou noir du fond duquel jaillissaient des questions que les familles ne posaient jamais. Parce que les familles ne valaient pas mieux que nous. Elles aussi crevaient de peur. Comme s’il recevait les premières lueurs d’une aube paresseuse, l’écran s’éclaira lentement, et Hasselbank vit apparaître le titre du film : Hommes entre eux. Cela évoqua en lui un sentiment étrange tant il était certain d’en connaître la suite, certain même de la vivre un jour jusqu’au bout. Les acteurs portaient des noms scandinaves et le réalisateur s’appelait Niemi. C’était un film finlandais.

Le vendredi 21 mai 2010, par AJL
Modification de l'article le : 28 mai 2011.