Le premier livre des enquêtes de John Rebus, la série qui a permis à Ian Rankin de se faire connaître de façon internationale, dresse un portrait sombre de sa ville d’Edimbourg. Loin d’être un Disneyland pour touristes, avec son château et ses cornemuses, Rankin nous montre une cité à deux facettes, charmante destination touristique coté face, violente et sombre coté pile.
Dans la vieille ville d’Edimbourg en Écosse, un fou furieux enlève et étrangle des jeunes filles sans toutefois en abuser sexuellement. De son côté, l’inspecteur John Rebus reçoit de mystérieuses lettres anonymes, où l’auteur lui suggère de lire entre les lignes, sans plus d’explications. Enfin, le frère de Rebus, hypnotiseur de cabaret et trafiquant de drogue, attire sur lui l’attention d’un journaliste qui enquête sur le trafic de stupéfiant. L’inspecteur Rebus peine à dénouer cette enquête, pour cela il faudrait qu’il retrouve les souvenirs et les secrets trop lourds à porter, qu’il a enfouis tout au fond de sa mémoire. Mais rien ne remonte à la surface, et les meurtres continuent implacablement.
C’est la deuxième fois que je lis du Ian Rankin, après « Traqués ». J’ai trouvé celui ci moins bon. Le début est réussit mais la fin traine en longueur et on attend le dénouement avec impatience. L’enquête patine lentement et l’intérêt du lecteur en souffre. Et puis, sans vouloir trop en dévoiler, le nom du tueur m’a entrainé sur une fausse piste et j’ai trouvé bien dommage que Ian Rankin ne se soit pas donné la peine de trouver un autre nom. Je sais, c’est mystérieux mais ceux qui comme moi ont lu « Traqués » comprendront. Bref, c’est pas mal, mais peut mieux faire.
Ian Rankin est un auteur écossais, qui met en scène abondamment sa région natale et sa ville d’Edimbourg dans ses polars. Edimbourg est une ville touristique, capitale de l’Écosse, et siège du parlement écossais depuis le XVème siècle. La ville est dominée par sa redoutable forteresse, mais compte aussi de nombreux lieux d’intêret (le Royal Botanic Garden, la cathédrale Saint-Gilles, la National Gallery, Charlotte Square, le Scott monument ou encore le Royal Museum of Scotland). Ce n’est pourtant pas la ville touristique que Ian Rankin propose a ces lecteurs, et que John Rebus, son héros arpente.
Dans l’étrangleur d’Edimbourg, Rankin semble fuir les lieux touristiques de la ville pour sans cesse ramener le lecteur vers une réalité plus noire : « Il y a véritablement deux Edimbourg Il y a la cité que les touristes visitent, avec son château et ses joueurs de cornemuse, vêtus de kilts. Ça, c’est le côté Disneyland. Mais il existe aussi une cité, qui vit et qui respire sous cette apparence, et que les gens voient rarement. Dans les années 1980, Edimbourg avait de sérieux problèmes de drogue et le pire taux de Sida de toute l’Europe de l’ouest. J’ai pensé que quelqu’un devait écrire des romans traitant de ces choses de la vie réelle contemporaine. » [1] Ce sont les bas fonds qu’on visite dans ce romans.
L’inspecteur Rebus, quand à lui fait un peu figure de antihéros notoire. Divorcé, cynique, réfractaire à l’autorité, c’est aussi un amateur de bière et de whisky. C’est pratiquement un pochard pour tout dire. Comme de nombreux enquêteurs typiques du roman noir (Le Harry Bosch de Michael Connelly par exemple) il n’hésite pas lorsque c’est nécessaire à prendre des libertés avec les règles auxquelles sont soumises les policiers.
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On était le 28 avril. Bien entendu, il pleuvait. Foulant une herbe gorgée d’eau, John Rebus se rendait sur la tombe de son père. Ça faisait cinq ans jour pour jour qu’il était mort. Il posa sa couronne rouge et jaune, les couleurs du souvenir, sur le marbre toujours reluisant. Il resta immobile un instant. Il aurait bien dit quelque chose, mais que dire ? eue penser ? Le vieux avait plutôt été un bon père. point. De toute façon, le paternel lui aurait dit d’économiser sa salive. Il resta donc silencieux, les mains respectueusement croisées dans le dos, les corbeaux ricanant sur les murs tout autour, jusqu’à ce que ses chaussures trempées viennent lui rappeler qu’une voiture bien chauffée l’attendait devant le portail du cimetière.
Il conduisit doucement. Il n’aimait pas revenir dans le Fife, où le bon vieux temps avait été tout sauf ça, où les coquilles vides des maisons désertes étaient peuplées de fantômes, où quelques rares boutiques baissaient leur rideau chaque soir. Ces rideaux métalliques faits pour que les voyous y taguent leurs noms. Pour Rebus, c’était l’horreur absolue. Un paysage à ce point absent. Plus que jamais, ça puait l’abus, la négligence, la vie totalement gâchée. Il parcourut les douze kilomètres jusqu’à la mer, où habitait toujours son frère Michael. La pluie se calma alors qu’il arrivait sur la côte grise comme un squelette. Les roues projetaient l’eau accumulée dans des centaines de nids-de-poules. Il se demanda pourquoi dans le coin on ne réparait jamais les routes, alors qu’à Edimbourg on ne faisait qu’aggraver les choses en retapant trop souvent la chaussée. Et surtout quelle folie l’avait pris de se trimballer jusqu’ici, juste parce que c’était l’anniversaire de la mort du paternel... Il essaya de fixer ses pensées sur autre chose, et se mit à fantasmer sur sa prochaine cigarette.
A travers le crachin, Rebus aperçut une gamine qui avait à peu près le même âge que sa fille, en train de marcher dans l’herbe sur le bas-côté. Il ralentit, l’observa dans son rétroviseur en la dépassant et s’arrêta. Il lui fit signe d’approcher. Sa respiration saccadée était visible dans l’air calme et froid ; ses cheveux sombres lui tombaient sur le front comme des queues de rat. Elle le regarda avec appréhension.
- Tu vas où comme ça, Petite ?
- A Kirkcaldy.
- Tu veux que je t’y dépose ?
Elle fit non de la tête, ses boucles projetant des gouttelettes.
- Ma mère m’a dit de jamais monter dans la voiture d’un inconnu.
- Eh bien ta mère a parfaitement raison, dit Rebus en souriant. J’ai une fille qui doit avoir environ ton âge et je lui dis exactement la même chose. Mais là il pleut, et je suis policier, alors tu peux me faire confiance. Tu sais, t’as encore un bon bout de chemin.
Elle jeta un coup d’œil de part et d’autre de la route silencieuse, puis secoua de nouveau la tête.
[1] interview de Ian Rankin dans bookslut.com.
Le lundi 12 juillet 2010, par
Modification de l'article le : 12 juillet 2010.
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